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PROVERBES

mêmes, et toujours sans défense contre la passion du jour, nous dérivons naturellement de pensée en pensée. On ne saura jamais assez qu’il est plus important de fixer l’esprit que de l’instruire. Et le fait est que les journaux et revues sont pleins de vérités coulantes et inefficaces. C’est pourquoi je pense que la culture est quelque chose de très important et de très sérieux, qui nous munit de formes belles et invariables, autour desquelles il faut bien réfléchir, puisqu’on ne peut les changer. Et c’est proprement folie que de croire que quelque idée neuve nous fera de nouveaux destins ; non pas, mais une idée bien vieille et qui répète toujours la même chanson ; car il est vrai que tout est dit ; mais aussi rien n’est pensé. Le difficile est de s’arrêter, comme aux sculptures et aux monuments, qui conseillent peu, mais bien. Je compare les proverbes à de vieux meubles de notre esprit, qui nous rassasient. Nous ne courons que trop, et nous courrons toujours assez, chasseurs d’horizons que nous sommes ! Sancho s’accroche aux proverbes ; il suit pourtant l’Improvisateur aux longues jambes. Double image de l’esprit, deux fois fidèle.

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