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MINERVE OU DE LA SAGESSE

réveiller l’esprit, pour lui donner l’expérience du vrai et du faux. Géométrie, si vous voulez. Physique ou chimie, comme il vous plaira. Qu’il sache distinguer, en un exemple simple, ce que l’on suppose et ce que l’on prouve. Qu’il conduise une expérience ; qu’il aperçoive d’où vient l’erreur, et comment l’on s’en garde. Triangle, mouvement du pendule, chute d’un corps, ébullition, combustion, moteur électrique, tout est bon si l’on apprend à ne pas confondre ce que l’on croit et ce que l’on sait. Et donc il importe moins, pour le progrès réel, de savoir beaucoup, que de savoir très bien une chose ou deux. Et puisque ce qui importe par-dessus tout, c’est de révéler à lui-même l’esprit libre et l’esprit juge, vous voyez, dirais-je à notre subtil jésuite, vous voyez que le procès de Galilée fut un grand moment, parce qu’il s’y découvrit une autre manière d’instruire, qui menace, qui force, qui apporte comme preuves le piquet de gardes et la prison. Ce genre d’expérience instruit par le ridicule ; car le piquet de gardes ne pouvait empêcher, comme on dit, la terre de tourner. Oui, on peut ignorer si la terre tourne, et mener une vie digne d’un homme. Mais on n’est pas du tout un homme si l’on croit et si l’on suit ceux qui trouvent naturel de démontrer par gendarmes si la terre tourne ou non.