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POLICE ET MORALE

rait point, mais pour demander secours et conseil contre sa propre injustice. Je dis confesseur ; il est clair que l’amitié peut se trouver en présence de ce même devoir. L’enfant ne cesse de demander conseil contre lui-même, quand il vous tend seulement sa page d’écriture ou de calcul. Alors, la sévérité est de justice. Par exemple, si Jean Valjean, devenu Monsieur Madeleine, pouvait demander conseil à l’évêque, dans ce cas de conscience où il se demande s’il va laisser condamner un innocent, on sait bien ce que le doux évêque répondrait ; sans forcer le moins du monde puisqu’il n’y a que le volontaire et le libre qui ait valeur. Ainsi, dans cette autre fonction, de juge, c’est le coupable qui poursuit le juge et qui fixe lui-même sa peine. Par ce détour, le meilleur des hommes, et le plus profondément indulgent, se trouve aussi le plus sévère, demandant à l’autre de vouloir, et enfin d’être homme, ce qui est demander beaucoup.

Tel est le jeu des vrais pouvoirs, de ceux qui obtiennent respect. Toute faute est prise alors comme ayant nui seulement à celui qui l’a commise. Et toujours le médecin de l’âme refuse de forcer, même si l’autre l’en prie ; car il cherche le libre, et ne veut rien d’autre. Bref, la bonne volonté est le seul remède ; et la bonne volonté ne peut être exigée. Ainsi se dessine le pouvoir spirituel, quoique déguisé souvent par un reste de force, comme enfer, puissance divine et autres accessoires. Le véritable pouvoir spirituel est le lieu de la grâce. Car, dans l’homme qui est manié par le vrai confesseur, il se

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