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simple. Quand il s’est heurté aux barreaux vainement, il s’arrange pour y toucher le moins possible ; et comme c’est exactement sa liberté qui est contrariée, il trouve en lui-même de bonnes raisons d’y renoncer ; mais il faut d’abord qu’il soit assuré de n’en pouvoir rien faire. Et comme il n’en meurt point, il faut que sa puissance s’emploie. Frappez, durcissez l’homme. L’idée de se venger est bien forte en lui ; mais elle ne cherchera pas longtemps un passage si tout est bien fermé. Comme, dans les canons, l’obus ne partirait pas si la culasse n’était bien fermée. Ainsi la colère de l’homme, ayant fait le tour de la culasse hermétique, se lancera toute vers l’ennemi. Et voilà comment, par le travail continuel et par la discipline inflexible, on développe à coup sûr la valeur offensive d’une troupe.

Finalement l’homme qui a échappé aux dangers, qui s’est vengé comme il pouvait, et qui a admiré son propre courage, trouvera occasion, si les cérémonies sont convenablement réglées, d’adorer le Système et le Chef, un court moment, et ensuite par souvenir. Ainsi les survivants louent la guerre toujours plus qu’ils ne voudraient.