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de paix est Intelligence d’abord, qui définit Paix et Guerre, Droit et Force, et comprend qu’aucune force ne peut rien obtenir qui ressemble à un droit ; oui, même dans le temps où l’on frappe, ne pas jeter les raisons avec le coup de poing, mais travailler, en redoublant d’attention, à penser juste, et chercher la pensée de l’autre, la comprendre, la ménager, l’éclairer. C’est par cet Esprit de paix qu’une guerre n’exclurait ni la consolation ni l’espérance ; car le plus grand malheur est si l’Esprit s’abandonne.

Il faut à l’Esprit de Paix quelque chose de plus que l’Intelligence, et en quelque sorte une lumière par provision, qui est Charité ; chercher la liberté de l’autre, la vouloir, et l’aimer. Autant que les arrangements de l’Intelligence doivent être retirés des mouvements de force, sans aucun mélange, autant la volonté de traiter d’Humain à Humain doit se mettre au dessus des arrangements eux-mêmes qui sont petits au regard de la Reconnaissance et du Respect. Cette Grandeur d’Âme est difficile au vaincu, parce que la crainte corrompt les égards. Je crois qu’elle est facile au vainqueur. Mais le même désordre, qui fait que ce n’est point celui qui commence la guerre qui se bat, fait aussi que ce n’est point celui qui s’est battu qui termine la guerre. Aussi cette guerre n’est point terminée.