Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours péril dans le travail du bon élève, qui n’est jamais qu’un visionnaire intelligent. Car, disait Maine de Biran, le géomètre qui voit se satisfait du spectacle qu’il s’est donné par le crayon et la plume. Il se meut d’évidence en évidence, et d’intuition en intuition ; il laisse la vérité entrer toute. Au lieu que le géomètre aveugle, qui est le vrai géomètre, ne tient jamais rien ; tout ce qu’il pense, il le fait ; il le construit et reconstruit. Un triangle n’est plus alors un secret qui nous regarde, et si bien que le bon élève n’a pu s’empêcher d’y dessiner l’œil de Dieu. Mais le triangle est un chemin parcouru et retenu, d’après des règles d’avancer et de tourner ; d’où naît la preuve, toujours d’avertissement à soi, et d’entendement, comme le langage l’exprime si énergiquement. Et sans doute ce travail de mains et de mémoire, de serment à soi aussi, n’est encore qu’une imitation du vrai travail ; et cette différence entre les deux géomètres n’im-