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l’amour aimé. Il y a une grande aventure dans l’amour, et périlleuse, et belle, mais qui mène loin. C’est pourquoi Faust frémit au seul nom des Mères, ensevelies au plus profond de la nature ; car il y a une sorte de profanation à les retrouver là. Et, quoique ce soit une loi de fer d’avilir ce qu’on aime, je doute qu’il existe un homme qui s’abandonne tout à fait à cette fureur démoniaque, si naturellement liée au culte ancien. Qui se sauve un peu, il monte plus haut qu’il ne voulait. Toujours est-il qu’on ne pense pas à bon marché. Même dans la physique il faut du sévère et du pur, et une séparation des ténèbres et de la lumière, par cette forte main d’artisan que Michel-Ange a dessinée. Je n’envoie pas au monastère ; c’est s’en aller de la vie. Je vois qu’une vie passable suppose bien des monastères d’un petit moment, toutes les fois qu’on refuse un certain degré d’injustice, de puissance, ou de plaisir ; ces moments sont nos pen-