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triomphe et périt dans son contraire. Toutefois on sait que les dieux les plus terribles n’apparaissent jamais. L’invisible nous mène. Cette sorte de transe que l’on ressent dans le désert des bois se nourrit de silence, et s’augmente de ce qui devrait l’apaiser. Il faut saisir maintenant, s’il se peut, ce vrai de l’imaginaire, qui n’est rien. Car ce dessous de la vision, cette énigme de la vision, c’est toute la vision. Quand j’écoute le voleur supposé derrière la porte, j’entends son souffle par la serrure, et ce souffle est le mien. Mais le voleur que je n’entends pas est le plus redoutable.

Toutes les émotions sont une présence. On dit trop vite que le toucher ne trompe point ; il ne faut le dire que du toucher volontaire. Le toucher de l’émotion, c’est le faux témoin. Qu’est-ce qu’émotion ? C’est en bref une préparation du corps humain, et bientôt une manière d’agir, qui revient à commencer, dans l’attente d’un