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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

hommes passionnés et trop prompts croient tous que le droit est clair et évident toujours.

Où donc est la justice ? En ceci que le jugement ne résulte point des forces, mais d’un débat libre, devant un arbitre qui n’a point d’intérêts dans le jeu. Cette condition suffit, et elle doit suffire parce que les conflits entre les droits sont obscurs et difficiles. Ce qui est juste, c’est d’accepter d’avance l’arbitrage ; non pas l’arbitrage juste, mais l’arbitrage. L’acte juridique essentiel consiste en ceci que l’on renonce solennellement à soutenir son droit par la force. Ainsi ce n’est pas la paix qui est par le droit ; car, par le droit, à cause des apparences du droit, et encore illuminées par les passions, c’est la guerre qui sera, la guerre sainte ; et toute guerre est sainte. Au contraire c’est le droit qui sera par la paix, attendu que l’ordre du droit suppose une déclaration préalable de paix, avant l’arbitrage, pendant l’arbitrage, et après l’arbitrage, et que l’on soit content ou non. Voilà ce que c’est qu’un homme pacifique. Mais l’homme dangereux est celui qui veut la paix par le droit, disant qu’il n’usera point de la force, et qu’il le jure, pourvu que son droit soit reconnu. Cela promet de beaux jours.

Si l’on abandonnait tout à fait l’idée ridicule de se défendre par les armes«DÉFENSE
NATIONALE.»

Si l’on abandonnait tout à fait l’idée ridicule de se défendre par les armes contre les hommes les plus disciplinés et les plus honnêtes de chaque pays, alors le problème du sommeil ne serait pas encore résolu, mais on pourrait y porter quelque attention et des forces suffisantes. Trois bandits n’ont de puissance que par l’isolement

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