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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

avant même qu’on eût occasion d’en faire l’application, une telle loi déclarerait la paix républicaine, sans aucune ambiguïté, et limiterait les combinaisons et les projets des diplomates. Que chacun y pense bien. Une telle loi, qui ne dépend que de nous, qui n’est pas subordonnée à l’acceptation de nos ennemis, marquerait le commencement d’une ère nouvelle, peut-être.

8 juillet 1913.

L’argument le plus confus, le plus faible,COMME EN 1870.
L’argument le plus confus, le plus faible, mais aussi le plus touchant, s’élève finalement au-dessus des autres, dans cette discussion de la loi militaire, et va devenir le thème unique des orateurs gouvernementaux. « Nous avons vu les horreurs de 1870, nous ne voulons pas les revoir ; nous voulons épargner cette cruelle épreuve à nos fils et à nos neveux ». D’où on viendra à conclure qu’en 1870 nous avons été attaqués par l’Allemagne parce que nous étions faibles. Voilà comment on entend les leçons de l’histoire.

Contre quoi je répèterai sans me lasser, d’abord que la France suivait à ce moment-là une politique d’ambition et de suprématie européenne, et que, de plus, il y avait dans les conseils de l’Empire un parti bien puissant, soutenu par l’impératrice et qui voulait ouvertement la guerre. Et évidemment ils furent bien fous, puisque, avec des projets pareils, ils s’armaient si mal. Mais justement je me demande si les partisans les plus décidés du service de trois ans ne sont pas revenus dans le fond à l’esprit impérial ; je crois qu’au fond d’eux-mêmes, ils espèrent bien, par le

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