Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.






PROLOGUE D’AVANT-GUERRE

nous a enlevé tous nos garanties. L’opinion s’est formée, dans le parlement, que l’acte de guerre, par lui-même, suspend toutes les libertés, et établit le régime de la dictature ; en sorte que la décision du gouvernement ne pourrait être discutée qu’après la paix. Des réflexions de ce genre sont pour fortifier cette idée que les pouvoirs ont des droits royaux en cette matière. Et l’attitude actuelle du gouvernement est bien celle d’un roi qui défendrait obstinément ses derniers privilèges ; tout ce qui se rapporte à la défense est réglé sans appel par les ministres et par leurs agents techniciens ; et la discussion équivaut au refus d’obéir. Je ne pense pas que la masse des citoyens hésite un instant avant de tenter, aux élections prochaines, de détruire, une bonne fois et pour toujours, de telles prétentions.

Mais comment faire ? L’autorité s’engagera toujours et nous engagera toujours. Les traités d’arbitrage, rendus publics, seraient la plus claire affirmation de la volonté des peuples. Mais pour conclure un traité de ce genre il faut être deux. Aussi il sera bon d’examiner si l’offre de l’arbitrage ne pourrait pas être rendue obligatoire par une loi, avant tout conflit. Après l’incident de Casablanca, notre Président du Conseil en vint presque à rompre les négociations, et peut-être ne pouvait-il faire autrement. Offrir l’arbitrage à ce moment-là, c’était peut-être montrer trop de crainte ; mais si l’offre de l’arbitrage était de règle pour notre diplomatie, avant toute rupture de négociations, un tel acte, si utile et capable d’agir si fortement sur l’opinion du peuple antagoniste, alors un tel acte serait naturel et même attendu. Un ministre serait alors raisonnable malgré lui. Mais,

⸻ 33 ⸻