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PROLOGUE D’AVANT-GUERRE

kans, c’est la Russie qui s’engagera la première ? Mauvaise foi, alors. Cela reviendrait à préférer une occasion à une autre ; cela supposerait que nous attendons la bonne occasion. Osera-t-on dire qu’une telle attitude est pacifique ? Et que signifient alors toutes nos déclarations officielles ? Elles sont à côté de la question ; elles ne peuvent modifier en aucune façon une situation réellement inquiétante.

Que faudrait-il donc ? Orienter les négociations, soit avec nos amis, soit avec nos adversaires, d’après le changement décisif qui s’est produit dans l’équilibre Européen. Car une situation nouvelle veut des engagements nouveaux. Bien clairement faire entendre que le conflit des Balkans ne doit pas mettre aux prises la France et l’Allemagne. Il n’est pas nécessaire, pour cela, d’accepter le traité de Francfort, ni de traiter, à proprement parler, avec l’Allemagne. Les choses de la politique étrangère ne se traitent pas si simplement. Il s’agit de travailler activement pour la paix. « Je trouve que l’Autriche fait beaucoup de bruit avec mon sabre » ; ce mot que l’on prête à l’empereur d’Allemagne traduit assez bien le sentiment public allemand, qui n’est pas disposé, on l’a bien vu, à faire allègrement les frais de la politique autrichienne. Ferons-nous, le cas échéant, les frais de la politique russe ? Nous pourrions bien, nous aussi, montrer une certaine réserve à ce sujet-là. A-t-on fait le nécessaire ? J’avoue que j’en doute, parce que notre gouvernement travaillerait ainsi contre lui-même, puisque la menace extérieure est la grande raison de l’autorité qu’il a su prendre. Et le premier acte pour la paix, le seul efficace peut-être, serait de nous débarrasser d’un gouvernement que le

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