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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

il y a de quoi être effrayé. S’ils en pensent plus long qu’ils n’en veulent dire, ce n’est pas moins redoutable. En réalité, pour quiconque lit simplement les journaux, la situation est celle-ci. L’équilibre européen est rompu depuis les événements balkaniques. L’Autriche est affaiblie par l’effet de voisins puissants et aguerris qui, par la race, sont liés à la Russie. L’Allemagne se voit presque seule, et dans le cas d’avoir à se défendre sur deux frontières opposées. Bien mieux, une guerre a paru imminente dans le moment que la Russie et l’Autriche mobilisaient. Or, n’importe quel homme du métier vous dira que la défense de l’Allemagne, en cas de conflit, serait un terrible problème, surtout si la France était résolue à profiter du conflit pour réparer ses défaites. Encore bien mieux si l’Angleterre était résolue à coopérer à ce mouvement de forces, unique dans l’histoire du monde. La politique militaire de l’Allemagne dépendait donc de l’observation attentive des moindres mouvements occidentaux.

Or, pour ne citer que les faits principaux, nous resserrons l’alliance Franco-Russe, par une visite solennelle ; l’homme qui se trouve représenter hautement cette politique est élu au poste suprême ; et la presse de droite souligne l’événement par des clameurs fanatiques. Vers le même temps, nous désarmons en face de l’Angleterre et tous nos vaisseaux passent dans la Méditerranée, ce qui pouvait, ce qui devait être interprété comme une formation de combat. Joignons à cela ces échanges de visites militaires, comme si chacun passait en revue ses alliés. Tenons compte aussi de négociations que nous ne connaîtrons jamais, mais que les pouvoirs alle-

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