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INTRODUCTION

n’est-il pas presque toujours contestable, et la plupart des guerres ne sont-elles pas suscitées et soutenues par des contestations sur le droit ? Nulle part il n’est plus vrai que dans ces conflits internationaux que « mieux vaut une injustice qu’un désordre ». Ne pas supporter une injustice, c’est amener, avec le désordre de la guerre, une infinité d’injustices, toutes incontestablement pires que celles qui peuvent vicier les traités. Le rôle de l’arbitre, n’est pas tant de rendre des sentences justes que d’empêcher les conflits, car sitôt le conflit éclaté, il amènera des injustices pires que n’importe quelle sentence. Cette vue peut servir à éclairer et à approuver plus équitablement et plus chaleureusement qu’on ne l’a fait jusqu’ici les arbitrages de la Société des Nations.

Il serait enfantin, selon Alain, de prétendre que cette espèce particulière de non-violence laissera plus de tranquillité et plus d’impunité aux nations spoliatrices. Dans l’état actuel des rapports internationaux, et des relations des citoyens avec l’État, nulle nation européenne n’oserait rien entreprendre pour des motifs d’intérêt non déguisé, contre une autre nation européenne. Norman Angell avait démontré, avant la guerre, que pour un territoire donné, les charges de l’État sont à peu près égales à ses revenus et que l’annexion n’enrichit pas. Il prouvait aussi — et la difficulté des réglements de comptes d’après-guerre ne lui a donné que trop raison, — qu’un État gagnait moins qu’il ne risquait à se faire payer rançon. Alain confirme sur ce point les thèses de l’Anglais, mais elles ne sont pour lui qu’un détail de la question. Sa pensée essentielle sur la guerre — aussi opposée aux doctrinaires socialistes qu’aux cyniques d’entre les

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