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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

sur sa consommation. Nul n’accepte l’or que comme signe ou promesse. L’or passe de main en main, mais toujours d’après cette idée que l’or représente un excédent réel, qui est disponible quelque part. Simplifions cette circulation de l’or. Supposons deux pays seulement, et chacun d’eux organisé en coopérative d’après l’idée socialiste, de façon qu’on puisse les considérer comme deux commerçants. Il faudra d’abord que les excédents de production ici et là soient de nature différente. Si un pays produit plus de blé qu’il n’en consomme, il n’achètera pas de blé. Mais il faudra aussi que les produits circulent dans les deux sens. Ainsi il n’arrivera jamais que l’un des deux pays paie continuellement en or et l’autre continuellement en produits ; mais l’or qui passe à l’un devra revenir à l’autre. L’un paie en or ; cela veut dire qu’il fait passer aux mains de l’autre une promesse de marchandises ; et cet or n’a de valeur que par les provisions, usines, mines, champs cultivés, populations actives, qui en sont la garantie. Supposons la planète coupée en deux après d’immenses achats payés en or ; c’est la moitié qui aura reçu l’or qui se trouvera la plus pauvre. Car, en échange de biens réels livrés par elle à l’autre moitié, elle n’aura plus que cette promesse dorée, impossible maintenant à transformer en réalités. Or il en serait de même si une des moitiés supposées se trouvait réduite à la misère, c’est-à-dire à un travail qui ne laisserait point d’excédent.

L’or n’est donc qu’un assignat métallique. Mais on voit la différence. L’or est parmi les choses terrestres à la fois la moins corruptible, la plus facile à diviser et à mesurer, la plus facile à reconnaître, et, parmi

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