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INTRODUCTION

revient au chef et au chef seul[1], mais il montre toutes ces qualités en relation directe avec la présence de ce chef, et laisse oublier tout le reste.

Mais du philosophe des Dialogues, revenons à la pensée d’Alain lui-même. Il ne contredit nulle part Maurois, il ne se refuse à aucune des exigences que pourrait formuler le Lieutenant des Dialogues. Il ne se refuse à aucun des devoirs de l’obéissance, il n’admet même là-dessus aucune objection tirée de l’imperfection du commandement ou du démérite du chef. « Quelque perfectionnement que l’on roule dans sa tête, il faut commencer par obéir, car le progrès, selon le mot d’Auguste Comte, suppose un ordre préexistant. » Et à ce même Auguste Comte il emprunte le principe : La Force gouverne. Je l’ai entendu dire un jour, de sa voix brusque et familière, devant les affiches bariolées des partis politiques : « Le Gouvernement se réserve les affiches blanches ; cela simplifie le devoir. Le devoir en fait, c’est ce qui est prescrit par les affiches blanches. Quoi qu’on pense du bien et du devoir des idéaux, il faut mourir pour ce qui est écrit sur ces affiches blanches. Au reste, on ne leur doit rien de plus. » Et si hardies qu’aient pu être ses idées sur les pouvoirs, il a toujours considéré l’emploi de la violence, même lorsqu’elle a la justice pour but, comme une cause certaine d’injustices. C’est le mot de Gœthe : « j’aime

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  1. Dans un syllogisme dont il nous laisse habilement deviner la conclusion, le général Rampont, à l’avant-dernière page de son guide, nous dit :
    Il faut rendre hommage au poilu…
    Mais… le Poilu est ce que son chef le fait…
    [Donc]……