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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

dustrie, nous verrons du nouveau ; moins de respect, moins d’intrigue, plus de pensée, dans les finances, les ponts, l’hydrographie et le télégraphe.

Pour peu de temps. Le type noir (polytechnicien niger) se reforme déjà en son intégrité, nourri d’opinions avantageuses, et plus soucieux de faire son chemin parmi les hommes que de faire son trou dans les choses ; observateur de visages ; poli et circonspect ; riche d’arguments et pauvre de raisons ; toujours consultant et délibérant ; péremptoire dans les petites choses, hésitant dans les grandes. Usant des millions à tâtonner, mais relevant une erreur d’un sou. Heureux seulement de quelque théorème de géométrie générale qui, il est vrai, ne sert à rien, mais qui ne contrarie personne.

Chacun a connu quelque Saint-Cyrien. Chacun PEUT-ON PENSER
SELON LA GUERRE ?

Chacun a connu quelque Saint-Cyrien. Chacun a entendu conter quelque trait de la tyrannie atroce qu’exercent les anciens sur les nouveaux. Je dis atroce, et le mot n’est pas trop fort parce que, dans ces persécutions de chaque jour, le caprice et l’injustice font comme un continuel défi à l’esprit de révolte. D’où plus d’une sombre méditation et des larmes amères ; après quoi chacun prend le parti d’être méchant.

Il y a bien de la sagesse dans ces institutions non écrites ; car il n’est pas à croire que, dans un âge si tendre, beaucoup se résignent à gagner par l’esclavage le droit de tyranniser. Je suppose qu’ils imaginent au contraire des hauts faits selon la tradition chevaleresque, la cordialité, la fraternité d’armes, le sou-

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