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NÉGLIGENTS ET IMPORTANTS

Celui qui fait la guerre est juste et pacifique par la vertu de son action. L’homme dangereux et funeste c’est celui qui veut la guerre, et ne la fait point, et n’y va point voir de près. Mais il y a pis : c’est le comédien de guerre, qui n’ose considérer l’horrible chose et toutes ses suites, qui ne le peut même pas ; mais qui voit l’applaudissement, qui cherche l’applaudissement, qui se redresse, qui défie, qui s’agite, qui menace, qui promet, qui insulte, et pour finir, s’enfuit en appelant au secours quand il voit que la maison brûle. Cette puérilité redoutable est en beaucoup, peut-être en tous ; la Légende lui trouvera un corps et un visage, sans chercher loin. Simplifiant aussi par là, et grandissant la Vanité Bavarde comme elle grandit l’Énergie Laconique. Tenons divisées ces deux images, et dessinées en lignes simples et fermes. Le Jugement ouvre les chemins de la Paix.

« Ainsi, me dit quelqu’un, vous soutenez Briand : c’estSI BRIAND
EST TRANSFUGE.

« Ainsi, me dit quelqu’un, vous soutenez Briand : c’est cet homme tant de fois et si tranquillement infidèle, qui a votre confiance. » La conversation était venue sur cette séance de la Chambre où l’Important fit le siège du Négligent. La discussion s’éleva bientôt jusqu’au ton le plus vif, car il y avait là, comme en tout cercle de rencontre, les deux politiques en présence. Mais la politesse, et même un certain degré d’estime, nous détourna de l’injure. L’on en vint aux pronostics, et j’expliquai pourquoi, à mon sens, le principal interpellateur n’est pas aimé ; à cela il n’y avait rien à dire, et c’est ainsi que je m’attirai la répli-

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