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NÉGLIGENTS ET IMPORTANTS

naturelle, c’est d’être plus puissants que jamais, plus prompts que jamais à soupçonner et à punir. Au prolétaire, la patrie demande justement de céder le peu de liberté qu’il a, de se démettre du peu de puissance qu’il a, trésor péniblement conquis, toujours disputé. C’est lui-même qui doit le nier, qui doit le rejeter de lui, faisant confiance à ceux qui ne lui ont jamais fait confiance, et remettant enfin la décision aux mains de ceux qu’il a mille raisons de craindre, de ceux qu’il croit aveugles et injustes par état. Bref, il jure d’obéir contre ses idées, tandis que l’autre jure de commander selon ses idées. Le moins qu’on puisse dire là-dessus, c’est qu’un contrat de ce genre n’est pas pour toujours ; et voilà ce que le maître ne comprendra jamais. Jupiter fit heureusement les couronnes trop petites.


Sur l’illustre Wilson, j’écrirais difficilementWILSON.
Sur l’illustre Wilson, j’écrirais difficilement quelque chose d’exact et de mesuré. Ici les passions politiques s’éveillent ; ici est rassemblé ce que je ne puis m’empêcher de haïr, pour insulter ce que j’aime. Je ne puis oublier qu’après ce que nous eûmes combattu pour la Grande Paix, il se leva, parmi les Politiques, un homme qui parla en notre nom ; ce fut Wilson. Je ne puis pas oublier que dans le même temps quelqu’un fit entendre, face à l’ennemi vaincu, la solennelle condamnation de toutes nos espérances. Oui, cet esprit de misanthropie et de faiblesse osa, c’était la première fois qu’il osait quelque chose, élever la voix après tant d’héroïsme, après cette preuve mille fois donnée que l’homme est capable de vouloir contre la mort. Oui, il osa ensei-

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