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les ondes courir, la réflexion des ondes n’était plus que miracle ; la loi s’effaçait en même temps que l’objet.

Un autre exemple fera mieux saisir encore ce que sont ces idées immanentes, par lesquelles seules une claire représentation de la chose est possible. Les apparences célestes sont bien éloignées par elles-mêmes de cet ordre qu’on remarque dans un traité de cosmographie. Mais on se tromperait beaucoup si l’on pensait que les idées sont seulement dans le traité, comme un langage descriptif dont la chose perçue se passerait bien. Le mouvement des étoiles de jour en jour, le glissement de la lune vers l’est, le glissement plus lent du soleil, les apparitions de Vénus tantôt avant le soleil, tantôt après, le tour des autres planètes avec leur marche rétrograde, tout cela souvent caché par les nuages, toujours en partie invisible par la lumière du soleil, ne laisserait rien de net à la mémoire sans un système de formes invisibles, par rapport auxquelles tout s’ordonne et se mesure. Je veux parler de cette sphère céleste, seulement pensée et posée, nullement existante, de cet axe du monde, de ces pôles, de ce méridien, de cet équateur qui sont comme la voûte, les piliers et les arceaux de cet édifice. À quoi répond une autre géométrie de main d’artisan, le gnomon, le cadran solaire, la lunette méridienne et son cercle divisé, sans compter le pendule, les montres et autres mécaniques, qui font voir clairement comment toute l’industrie et toutes les sciences concourent avec la géométrie pour la plus simple des observations. On voit bien alors quel immense travail les hommes ont dû continuer pour se représenter seulement les mouvements de la lune. Et c’est encore par géométrie immanente, substantielle à la chose, que nous connaissons la lune à sa distance, et le soleil et les planètes et leurs mouvements. Par exemple il a fallu changer les formes pour retrouver le mouvement