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de passion dans les sévères leçons de la sagesse. En ce sens, le sermon est profane déjà. L’édifice parle mieux ; et comptez dans l’édifice tous ces fidèles attentifs à ne point faire scandale, toutes ces politesses lentes, ces cortèges, cet ordre de majesté et ces costumes qui règlent les gestes.

Je me souviens d’avoir eu bien peur du diable et de la mort quand j’étais petit, après les sermons d’un jeune prêtre ; ainsi je tombais d’un mal dans un autre, et, par une espèce de décence d’instinct, je laissai tout cela. Mais ce prédicateur ne savait point son métier. Rien n’est plus facile que de jeter une réunion d’hommes dans le désespoir, par le spectacle de la mort ; c’est évoquer tous les diables. Mais la cérémonie funèbre ne tend point là. Tout au contraire, la tristesse y est habillée et stylée, et les adieux sont faits par d’autres, dans les formes convenables. Ceux qui veulent dire que les chants lugubres ajoutent à la douleur devraient bien penser aux hurlements et aux convulsions qui suivraient les morts si cette foule se laissait aller aux émotions naturelles. Ils devraient penser aussi à la difficulté, pour l’orateur sans discipline, de trouver le ton juste en de telles circonstances. L’orateur discipliné prendra le ton chantant et les lieux communs. Mais le chantre parle mieux.

CHAPITRE VI

DE LA MUSIQUE

Il faut traiter maintenant de la musique ; car outre qu’elle est dans toute cérémonie, il semble qu’elle soit