de promener. Remarquez bien qu’en déposant ainsi les signes de leur dignité de pensées, en les prenant comme choses, je les fais rentrer dans le champ d’action de ma volonté ; je manie l’homme comme une chose ; en cela je ne le méprise point ; au contraire je me garde de prendre comme étant de lui ce qui lui est extérieur et étranger. Essayez de ce genre d’estime, qui rabat les signes involontaires ; bientôt vous verrez paraître l’homme. Et, au contraire, j’ai observé que ceux qui pensent trop sur les signes, et condamnent d’après les petites choses, dressent devant eux-mêmes des obstacles infranchissables, et pour le moindre projet. Ce régime de défiance et de défensive fait presque tous les maux humains. Je vous invite à vous souvenir de ceci, c’est que les paroles des enfants, surtout vives n’expriment jamais leur vraie pensée. Simplifiant ici, je dirai qu’elles n’expriment aucune pensée ; ce sont des bruits de nature. Cela ne conduit nullement à tout permettre ; au contraire, il n’y a rien de plus simple que d’empêcher ce qui importune, dès qu’on n’y suppose pas de pensée. Rousseau, profond ici, a soin de dire dans son Émile qu’il faut s’opposer aux actions de l’enfant qui peuvent nuire, mais sans jamais discuter. La raison, qu’il n’a pas donnée, est que la discussion fait paraître une pensée, et une pensée d’esclave, née d’un mouvement involontaire. Ces remarques enferment presque tout l’art de gouverner.
L’art de se gouverner soi-même trouve aussi les mêmes obstacles imaginaires, et les mêmes ressources. Il ne s’agit que de réserver ce beau nom de pensée à ce qui porte la marque de l’âme ; ainsi nos connaissances méthodiques sont des pensées ; nos affections choisies, approuvées, cultivées, sont des pensées ; nos résolutions et nos serments sont des pensées. Au contraire les mouvements de l’humeur ne sont nullement des pensées ;