un sens. Que la politesse modère de telles réactions, cela n’est pas mauvais ; mais si la politesse empêche l’invention et assure la paix par l’ennui, comme il est à craindre, je préfère la liberté avec tous les bruits accessoires. Les petites choses ne sont de grande apparence que par notre attention ; si on les renvoie une fois au mécanisme pur, d’où elles sortent, elles tomberont tout à fait. On ne sait pas ce que peut l’inattention véritable aux défauts d’autrui, pour l’en guérir. Spinoza, dans son tour juste et inimitable, dit qu’en mangeant de bon appétit on évite plus directement la maladie que si on se prive par crainte. Je dirai en l’imitant que ce sont nos vertus seulement qui nous guérissent de nos vices. C’est là que vise la grandeur d’âme.
Ainsi, dans les ouvrages de l’esprit, il y a toujours assez de faiblesses. Et, même dans les bonheurs d’expression, le hasard y est pour beaucoup. Les petits esprits ne remarquent que cela, au lieu de laisser passer ce qui est de peu et d’attendre l’éclair du génie et de la liberté. J’ai cette bonne chance que les retours d’humeur, comme vers la fin des Confessions, ne m’importunent pas plus que ce bruit de charrettes dans la rue. Mais je n’irais pourtant point aussi loin que cet homme de goût, un peu trop sabreur, qui voulait extraire le meilleur des beaux livres, et ne relire que cela. Au contraire, ce qui est préparation et remplissage comme disaient les honnêtes musiciens, arrive bientôt à me plaire par une espèce d’allégresse que j’y sens et par la grandeur en méditation qui le laisse passer. Celui qui saurait comment la pensée encore en sommeil tourne déjà, pour son entrée, les choses de simple forme et tout à fait étrangères, connaîtrait un peu ce que c’est que le style.