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Comment voulez-vous que le mouvement soit dans la chose ? Un mouvement est une pensée de relations et de comparaisons. Une distance s’accroît ; une autre diminue. Mais, si je me borne à la chose même, où trouverai-je le mouvement ? En elle sous la forme d’un élan, d’une provision de mouvement, ou bien sous la forme d’un effort ? Choses à examiner, à discuter. Non pas données de l’expérience. Mais formes dont le tout préexiste aux parties ; pour évaluer un mouvement, je commence par le finir et je l’attends ensuite à l’achèvement. Le mouvement est de forme comme la causalité. Voilà le point de difficulté. Le changement est qualitatif. C’est-à-dire qu’après le changement vous jugez que le monde a un autre aspect, produit sur vos sens un autre effet. Un corps qui était en l’air se trouve maintenant en bas, si vous voulez vous représenter ce changement, c’est alors que vous inventez un mouvement ; et le mouvement est quantitatif ; il ne change point la chose mue ; mais il se mesure par une longueur dans un temps, par une vitesse. La vitesse a quelque chose d’obscur. Car, quand le mouvement est fait, la vitesse n’est plus rien. Toujours est-il que la vitesse est une quantité, un rapport de deux quantités mesurables, où le changement consiste dans l’addition ou la soustraction de parties juxtaposées. Certes ce n’est pas ainsi qu’un rouge sombre devient rouge clair. Non. Mais tout change à la fois et intérieurement à la couleur même. Telle est la qualité. Elle ne s’étend point d’un lieu à un autre, mais elle est ramassée dans chaque lieu ; sans changement de lieu elle peut passer du zéro, par exemple le blanc, à tous les roses et aux rouges. Les difficultés sont ici majeures ; il y faudra revenir. Saisissons d’abord l’opposition entre la qualité et la quantité. Une saveur est plus ou moins salée ; et plus salé ne signifie pas salé à côté de salé ; telle est la qualité. Si vous