des membres, parce que le sang n’y parvient qu’en circulant entre des muscles vigoureux ; le relâchement est accompagné de battements précipités du cœur, suite naturelle de la respiration un moment suspendue.
Ce n’est que le sursaut. La peur commence et s’accroît par de petits sursauts suivis de détente, et en somme par des alertes sans actions ; ou plutôt la peur est le sentiment que nous avons de cette agitation, dont nous cherchons alors la cause. Comme un berger est averti par les clochettes de ses moutons et cherche ce qui leur fait peur. Mais notre troupeau de muscles nous est bien plus près. Avoir peur, ce n’est rien de plus que se demander : qu’ai-je donc ? Toujours avec ce mouvement vers l’objet autour, et souvent des suppositions ou visions d’un moment et sans action possible. Contre quoi le raisonnement ne peut rien ; car l’attention aggrave encore le tumulte musculaire ; on retient sa respiration pour mieux écouter ; on se rassure par des raisons, et l’on ne revient au repos que pour mieux goûter, si l’on peut dire, l’inquiétude sans objet, qui naît et renaît d’elle-même. Un objet réel, un danger réel nous arracherait du moins à cette contemplation de la peur même. Et tout le monde sait que les circonstances tragiques ne font peur qu’ensuite, et quand on y pense. C’est que, si les images sont alors fugitives, le corps et ses petits mouvements sont bien réels, et toujours sentis par leurs effets, même les moindres, dès qu’on y fait attention.
L’action délivre de cette maladie ; mais l’incertitude et l’hésitation l’aggravent. Il est déjà pénible d’attendre, si l’on ne peut s’occuper ; la peur est proprement l’attente d’on ne sait quelle action que l’on va avoir à faire. Mais, autant que l’on se prépare, par de petites actions assez difficiles et que l’on sait bien faire, on est aussitôt soulagé, d’abord parce que l’on fait moins attention