mènent comme des choses ? Cet empirisme prétendu est dialectique jusqu’aux détails. Il dit une sensation, une image, un souvenir, comme on dit une pierre, un couteau, un fruit ; et il vous compose de tout cela une âme bien cousue ; mais il n’existe point d’âme bien ou mal cousue. Lagneau, homme profond et inconnu, était soucieux de prouver que Dieu n’existe pas, car, disait-il, exister, c’est être pris avec d’autres choses dans le tissu de l’expérience. Et que dire de ce qui pense en moi et tout autour, aussi loin que le monde peut s’étendre ? Cela saisit et n’est point saisi. Toujours est-il qu’une mécanique ingénieuse peut bien remuer comme une fourmi, mais non penser. Encore bien moins peut-on dire que les parties de cette machine seront perception, mémoire, sentiment. Toute perception a les mêmes dimensions que le monde, et elle est sentiment partout, mémoire partout, anticipation partout. La pensée n’est pas plus en moi que hors de moi, car le hors de moi est pensé aussi, et les deux toujours pensés ensemble.
Vous jugerez après cela sans indulgence ces jeux de paroles qui recomposent le moi substance comme un long ruban au dedans de nous ; et encore plus sévèrement jugerez-vous cette physiologie de l’âme qui va cherchant un casier pour la mémoire, un autre pour l’imagination, un pour la vision, et ainsi du reste, et interprétant d’après cela des expériences ambiguës. Il est assez établi, par l’exemple des sciences les moins compliquées, que tout le difficile est de constituer des faits. Le cerveau pensant est ainsi modelé d’après l’âme pensante et à son image. Et ce beau travail nous ramènerait à l’âme voyageuse, si les spirites étaient plus adroits. Mais laissons ce matérialisme sans géométrie. Il est bon de savoir que l’étude de ce que l’on nomme les maladies du moi a perdu beaucoup de son intérêt, et