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suivant cette idée, si l’on peut dire, on trouve qu’il fallait le supplice d’un Dieu pour racheter nos péchés. Ce sont de naïves équations. Quoi que vaille l’idée, voilà un plaisante preuve. Mais ces preuves plaisent. Le talion était fondé sur plus d’une raison, mais il plaisait d’abord par la ressemblance du crime et de la peine, et aussi par le retour des sons. Raisonner est souvent comme rimer.

Qu’on mesure d’après cela la puissance de raisonnements bien mieux conduits qui, sous les titres de métaphysique ou de théologie, font comparaître les mots les plus riches, les plus émouvants, les plus ambigus de tous. Contre quoi une étude exacte de la logique pure, et une réflexion attentive sur les preuves du mathématicien est la meilleure précaution. Car, pour trouver le faible d’un argument un peu subtil, il faut d’abord n’être pas pressé ; formons plutôt un préjugé raisonnable contre tous les arguments. Mais il n’est pas inutile pourtant d’en examiner quelques-uns, en vue de vérifier les principes.

NOTE

Les antinomies, qui sont un point de la doctrine kantienne, obscur et disputé, sont des exemples de vaine dialectique. Ce sont des contradictions inévitables qui résultent de combinaisons sans objet. Comme j’ai dit souvent, on échappe à ces pièges en s’imposant de penser un objet. Exemple : on prouve par la chaîne des causes, qu’il n’y a point de cause première, justement d’après le principe de causalité. Mais on prouve aussi qu’il y a une cause première sans quoi aucune suite de causes ne serait suffisante ; et la cause première, comme j’ai dit ailleurs, est ou bien Dieu, ou bien une cause libre, c’est-à-dire une volonté. Pourquoi tel état des choses maintenant ? Nécessairement cela suppose un autre état antérieur très voisin ; telle est la cause seconde. Ce raisonnement semble sans