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précautions prises : autant que ce champ est triangle isocèle, autant il a deux angles égaux, et les erreurs sont liées par là. Ainsi la vraie science saisit les choses de la nature par approximation, c’est-à-dire en limitant les erreurs en quantité, au lieu que la vulgaire, à force d’expériences, parvient à une espèce de probabilité. On donne souvent le nom d’induction à cette preuve par accumulation ; on ne considère pas assez que, dans les recherches méthodiques, une seule expérience fait preuve, dès que la théorie l’encadre d’assez près ; et si on répète alors l’expérience, c’est plutôt pour la mieux percevoir que pour fortifier la preuve. Maintenant, pour poser seulement un jalon dans un fourré presque inextricable et où je n’entrerai pas plus avant, j’avertis qu’il y a une probabilité aveugle, qui compte les succès sans soupçonner seulement les causes, et une probabilité clairvoyante, dont les résultats sont dus à un système mécanique clos, comme un jeu de cartes, ou deux dés et un gobelet, ou une roulette. Je m’excuse d’avoir parlé ici un peu de tout ; c’est le défaut des Commentaires.

CHAPITRE VI

DE LA GÉOMÉTRIE

La géométrie est un inventaire des formes, en vue de déterminer des relations de distance et de grandeur entre les objets de l’expérience. Sa loi est de compliquer progressivement les formes en partant des plus simples ; son succès est tel qu’il n’est point de problème géométrique qui ne se puisse résoudre par des triangles égaux ou semblables, le triangle étant la plus simple