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surtout, afin qu’on ne l’oublie pas, que l’effet sort continuellement de la cause.

En langage commun : l’état nouveau d’un système clos, dépend absolument d’un autre état très proche ou très voisin qui ne pouvait subsister.

Le premier principe énonce la loi du changement. Le second énonce la nécessité du changement. Le médecin, en présence du malade, se dit « l’aggravation résulte de quelque chose, quoi que ce soit, qui existait auparavant ». Il faut trouver cette chose, soit l’arsenic, qui est à la fois la substance du changement et la cause du changement.

3o Principe de l’action d’échange (ou action réciproque). Un changement est lié à tous les changements contemporains ; il est modifié par eux, il les modifie. Le système solaire est un bel exemple de changements ainsi liés et modifiés les uns par les autres. La terre gravite autour du soleil ; mais il ne faut pas croire que Jupiter n’y est pour rien. Chaque changement de position de cette grosse planète, imprime une inflexion à la trajectoire de la terre. Tout dépend de tout. On voit par cet exemple, où il se trouve des substances et des causes, que les trois principes ne font que répéter la liaison de tout à tout dans l’expérience, c’est-à-dire la solidité substantielle de l’univers, de la matière. Ce qui est principe, ce qui doit être supposé c’est l’impossibilité d’isoler un changement, de le considérer seul ; c’est l’extériorité absolue du monde, où rien ne change qu’en liaison avec tout le reste ou si l’on veut par l’action de tout l’extérieur. Encore une fois l’atome signifie cela même, sans doute moins clairement. C’est pourquoi dans ces Éléments, je dois traiter des principes surtout en vertu d’une forte tradition. Les principes sont a priori, c’est-à-dire qu’on les suppose avant toute expérience, avant la preuve a posteriori. Chose remarquable l’inertie exprime tous les principes dans un principe d’inertie, qui définit en quelque façon la chose ou l’objet. Formule : nulle chose matérielle ne peut se changer d’elle-même sans le choc ou la pression des choses qui l’entourent. Si elle se meut, elle ira jusqu’à ce que le choc ou les frottements l’arrêtent. Si elle est arrêtée elle restera ainsi tant que quelque impulsion du dehors (Vis a tergo) ne la mettra pas en mouve-