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tion du couteau avec une attitude de l’assassin, il fait une espèce d’hypothèse, reconstruisant un mouvement d’après deux vestiges ; car le mouvement est toujours de l’esprit, et toujours reconstruit ; c’est la forme du changement, et le changement sensible est la matière du mouvement. Mais les hypothèses véritables sont rares dans les recherches de ce genre. Le médecin, quand il suppose que c’est le chloroforme qui a endormi la victime, fait une conjecture ; mais s’il se construit quelque idée, par molécules s’échangeant, de l’action du chloroforme sur les nerfs, c’est alors une véritable hypothèse. On voit d’après cela que la conjecture pose une existence, et l’hypothèse, une essence. Et l’on voit aussi que les sciences ne sont que trop chargées de conjectures. Disons une bonne fois qu’une existence ne doit jamais être posée ni supposée, mais seulement constatée. Celui qui réfléchira là-dessus avec un peu de suite découvrira de la confusion, en ce temps, jusque dans les meilleurs livres.

Demander si une hypothèse est vraie ou fausse, c’est demander si le cercle existe. Mais ce qui existe, c’est telle roue, saisie par la forme cercle, ou tel astre, saisi par la forme ellipse, et d’abord déterminé par les formes sphère, équateur, méridien. Pendant le temps que vous voulez repousser cette idée, demandez-vous si les axes et les vecteurs de Maxwell et ses contours et ses tubes ne lui apportent pas le même genre de secours, tout à fait comme la distance, bien plus simplement, explique la perspective et les effets de parallaxe.

La force, tant de fois méconnue, offre encore un bon exemple ; mais il faut la joindre au système des formes hors duquel elle n’a point de sens ; car une droite ne part pas d’un caillou, mais d’un point et ne limite pas un champ, mais une surface. Il y a peu de mouvements qui ne soient retardés, accélérés ou infléchis ; à la rigueur