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tion des concepts est l’étude du sage ; pourvu qu’il rapproche le concept de l’objet concret. Toute la formation de l’esprit consiste à former des concepts qui saisissent quelque chose. Dont le modèle se trouve dans la géométrie. L’homme forme des concepts parce qu’il ne peut mieux. C’est la manière du génie humain de dessiner d’abord la coupole, et ensuite de la poser sur ses piliers. Cette comparaison inspirée par l’histoire de l’église Saint-Pierre à Rome, est excellente si l’on veut se représenter les coups du génie pensant, qui n’est peut-être guère autre chose que le génie artistique. Celui qui a conçu la voûte a créé une quantité de formes belles, dont la suite merveilleuse n’est pas finie. (Ponts, coupoles, aqueducs, etc.) L’homme est un animal qui fait d’abord un plan (toujours trop grand) et qui se plaît sous ces merveilleux abris où vous remarquerez que le Dieu loge toujours, si peu que le temple soit digne de lui.

CHAPITRE IX

DE L’HYPOTHÈSE ET DE LA CONJECTURE

L’esprit du lecteur est sans doute assez préparé maintenant à ne plus confondre les hypothèses, qui sont des formes de l’entendement selon les lois, avec les conjectures, qui sont des jeux d’imagination plus ou moins réglés. Le juge ne fait que conjecture quand il suppose que tel accusé est coupable, ou qu’il s’est échappé par la fenêtre, ou que telles empreintes viennent de lui ; mais s’il relie selon la mécanique une posi-