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cond degré et non plus élémentaire. Ces deux ouvrages une fois bien possédés, je ne vois pas ce qui manque à la réflexion personnelle, qui peut, à partir de là, se prolonger sans fin. J’ajoute que, sur les problèmes de la morale et de la politique, le disciple saura bien trouver dans les Propos, qui seront bientôt tous mis en recueil, les analyses plus libres qui rapprocheront de la vie réelle les devoirs et la connaissance de soi. Les recueils les plus importants à ce point de vue ont pour titres Minerve et Suite à Minerve, Esquisses de l’Homme, Sentiments, Passions et Signes, Les Saisons de l’Esprit ; ces titres sont assez clairs et je prends occasion de cet avertissement pour rappeler que tous ces Propos enferment la véritable philosophie, c’est-à-dire celle des grands auteurs.

On demandera peut-être si, par des études ainsi conduites, on se rapprochera un peu de ce qui s’enseigne et de ce qui se dit sous le nom de Philosophie. Là-dessus je ne réponds de rien. Toutefois, dans les Souvenirs concernant Jules Lagneau, on trouvera le fidèle tableau d’une classe de philosophie justement illustre. Il est vrai que beaucoup reprochaient à Lagneau de s’éloigner un peu trop de l’usage scolaire en matière de philosophie.

Cet écart est expliqué à mes yeux dans la République de Platon, où l’on voit le forgeron se laver les mains, et aller épouser la philosophie. Je comprends par cette fable que la philosophie est un peu trop facile aux rhéteurs, ce qui explique une scolastique assez compliquée. Au reste j’ai souvent pensé que Lagneau concédait beaucoup à cette tradition, quand il reprenait pendant des mois la recherche d’une méthode de la Psychologie. Ce genre d’entreprise menace à la fois et sauve les philo-