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histoire des croisades ; liv. i.

acheter des armes à l'insu de Gautier, qui déjà se trouvait de l’autre côté du fleuve. Quelques Hongrois, d’un esprit pervers, voyant Gautier et son armée déjà éloignés, leur enlevèrent leurs armes, leurs vêtemens, leur or et leur argent, et les laissèrent aller ensuite nus et entièrement dépouillés. Désespérés, privés de leurs armes et de leurs effets, ceux-ci pressèrent leur marche et arrivèrent bientôt à Belgrade, où Gautier et son armée avaient dressé leurs tentes en dehors des murailles pour se reposer, et ils racontèrent en détail le malheur qu’ils avaient éprouvé. Gautier, qui ne voulait point retourner sur ses pas pour se venger, supporta cet événement avec fermeté d’ame. La nuit même que ses compagnons de voyage le rejoignirent dénués de tout, il demanda au prince des Bulgares et au magistrat de la ville la faculté d’acheter des vivres pour lui et les siens ; mais ceux-ci les prenant pour des vagabonds et des gens trompeurs, leur firent interdire les marchés. Gautier et les gens de sa suite, blessés de ces refus, se mirent à enlever les bœufs et les moutons qui erraient ça et là, cherchant leur pâture dans la campagne ; et comme ils voulurent les emmener, il s’éleva bientôt de sérieuses querelles entre les pélerins et les Bulgares qui voulaient se faire rendre leurs bestiaux ; on s’échauffa des deux côtés, et l’on en vint aux armes. Tandis que les Bulgares devenaient de plus en plus nombreux, au point qu’ils se trouvèrent enfin cent quarante mille, quelques hommes de l’armée des pèlerins s’étant séparés du reste de l’expédition, furent trouvés par les premiers dans un certain oratoire où ils s’étaient réfugiés. Les Bulgares, ainsi renforcés en même temps que Gautier perdait