propres yeux, en me prouvant que je suis véritablement
digne de vous ; mais, hélas ! dois-je,
puis-je accepter cet immense dévouement ? Le
malheur rend défiant, Dolorès, et j’ai beaucoup
souffert ; je souffre beaucoup en vous parlant
ainsi, car c’est ma vie, plus que ma vie que je
brise à jamais ! Mais, vous l’avez dit vous-même,
vous êtes jeune, vous êtes belle, trop belle peut-être !
vous êtes riche ! m’est-il permis de vous
laisser accomplir un si grand sacrifice, de vous
condamner au malheur ?
— Pas un mot de plus, Carlos ; le malheur serait pour moi de ne pas être comprise par vous ; de vous voir vous obstiner plus longtemps dans une abnégation au-dessus de vos forces et de votre courage. M’aimez-vous ?
— Ah ! fit-il avec un accent navré, vous en doutez donc ?
— Non, reprit-elle avec passion, non, je n’en doute pas, et comme preuve, voici ma main ; dès ce moment nous sommes fiancés, Carlos ; quoi qu’il advienne, rien désormais ne nous séparera. Dans un an, venez à Lima, je vous attendrai ; vous me retrouverez telle que vous me voyez aujourd’hui.
— Oh ! ce serait trop de bonheur ! s’écria-t-il en se laissant enfin aller à la joie dont son cœur était inondé.
— Vous demanderez hardiment ma main à mon père, il vous l’accordera.
Elle se pencha alors vers lui et posa chastement ses lèvres sur son front.
— Voici mon premier baiser, c’est celui de nos fiançailles, dit-elle en lui tendant son front char-