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Je n’étais même pas blessé : par un heureux hasard, je portais, dans la poche de côté de mon uniforme, un énorme portefeuille en cuir de Russie, gonflé de papiers de toutes sortes ; la lame du poignard s’était émoussée sur cette dure carapace.

Cependant je demeurai pendant près de dix minutes avant de reprendre complètement mes sens.

Je cherchai vainement à m’expliquer cette tentative de meurtre ; car il était évident que je n’avais pas eu affaire à un voleur, puisque l’inconnu n’avait pas essayé de s’emparer de mon portefeuille.

C’était une vengeance ! Les paroles mêmes prononcées par l’assassin, en me frappant le prouvaient.

Mais qui pouvait avoir contre moi des motifs de haine assez graves pour en venir à cette extrémité ? C’était la première fois que je mettais le pied à Londres, où je ne connaissais et n’étais connu de personne !

Ce n’est que plus tard, bien plus tard, il y a quelques jours seulement, que j’ai eu l’explication de cette énigme, à Puerto-Santa-Maria, pendant les courses, lors de mon duel avec le comte de Salviat.

Ceux que je gêne voulaient et veulent encore se débarrasser de moi.

Leur haine veille toujours à mon côté ; elle ne sera assouvie que par ma mort.

Je me rendis à bord du corsaire ; pendant les quelques jours qu’il resta encore en Tamise, je m’abstins de descendre à terre, et fis, je crois, bien.

L’assassinat, manqué une première fois, aurait certainement réussi une seconde.