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tout ce qu’il était humainement possible de faire ; maintenant, à la grâce de Dieu !

— C’est vrai ! C’est qu’il y a longtemps que je connais ces parages endiablés ! J’en ai vu de dures dans ce maudit Pot au noir le bien-nommé !

— Je crois, du reste, que le pampero ne se fera pas attendre ; je sens comme une fraîcheur qui ne me présage rien de bon et puis voyez le ciel ?

— Oui, oui ! la danse diabolique va commencer !

En effet, le ciel, si bleu et si pur quelques instants auparavant, était devenu couleur de suie : la mer avait pris une teinte plombée ; bien que le vent ne se fit pas sentir encore, on entendait des grondements sourds, ressemblant au roulement sinistre d’un tonnerre lointain ; la mer était agitée de mouvements étranges, elle commençait à rouler des lames hautes comme des montagnes.

— Veille partout ! cria tout à coup le capitaine ; aux bras et aux drisses !

Au même instant, l’ouragan arriva avec une force extrême ; la mer devint affreuse ; l’obscurité se fit presque complète, une pluie diluvienne se mit à tomber, et le brick, lancé comme une flèche, courut avec une rapidité vertigineuse sur le dos des lames, blanches d’écume.

Le sifflement strident du vent se mêlait aux rugissements de la mer en furie et aux grondements répétés de la foudre, éclatant avec fureur à des intervalles rapprochés ; des éclairs verdâtres zigzaguaient les nuages, qui semblaient s’être abaissés et n’être plus qu’à quelques mètres à peine au-dessus du navire ; on ne distinguait rien à dix brasses autour de soi, que le chaos horrible des