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cuteurs, et cela de telle sorte qu’elle se trouvait tout près d’eux au moment où le Sachem demanda son nom.

Elle rendit ses armes à Olivier, et, faisant un pas en avant afin de se placer en face des trois Sachems :

— Bien des hivers ont neigé sur ma tête, dit-elle, depuis le temps où, semblable au faon de la biche des insondables forêts de mahoganys élancés, je courais, jeune fille, sur les pentes abruptes du volcan redoutable de Safa-Maydy, à la recherche des framboises et des fraises sauvages. L’Œil-Brillant, aujourd’hui un des premiers Sachems de ma nation, était enfant alors ; il se nommait la Petite-Corneille, et il me suivait partout pour se régaler de ces fruits sauvages, dont il était si friand, et que je me plaisais à cueillir pour lui, car il était le fils de mon frère, l’Oiseau-de-la-Prairie, et je l’aimais. L’Œil-Brillant ne me reconnait plus aujourd’hui ; je suis pour lui une étrangère, comme je dois l’être aussi pour le Bison-Rouge et pour l’Oiseau-des-Prairies, ajouta-t-elle avec mélancolie, bien que le premier soit le frère de ma mère et le second le fils de ma sœur. On m’a crue morte sans doute, et mon souvenir s’est effacé de la mémoire de mes parents et de mes amis. Mais pourquoi me plaindrais-je ? ne savais-je pas qu’il en serait ainsi ? Peaux-Rouges ou Faces-Pâles, chacun doit subir sa destinée sans se plaindre, et se soumettre aux volontés du Wacondah. Je n’ai voulu revenir dans ma nation que pour mourir en paix au milieu des miens, lorsque mon heure sera enfin venue de quitter la terre, pour aller recommencer une vie