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le capitaine Ourson et lui dit à voix basse quelques mots que celui-ci entendit seul.

— Soyez tranquille, monsieur, répondit Ourson ; notre but est le même, je m’efforcerai de remplir vos intentions.

Le capitaine se tourna alors vers l’assistance, et, d’une voix qu’une émotion intérieure faisait légèrement trembler, mais qui peu à peu se raffermit, il prit la parole.

— Frères de la Côte, dit-il, flibustiers de la Tortue, boucaniers de Saint-Domingue et habitants de Port-Margot, vous avez, il y a quelques instants à peine, assisté dans cette salle, non point à une partie terrible jouée entre deux hommes que la haine séparait depuis longtemps, mais à un jugement rendu par Dieu lui-même. Je n’ai été que l’instrument choisi par la colère divine ; poussé malgré moi à agir ainsi que je l’ai fait, je n’ai pas un instant douté du succès ; les conditions que j’ai posées, les paroles que j’ai prononcées, tout vous le prouve. Je n’ai donc aucun droit sur les richesses dont je suis devenu propriétaire, et j’y renonce de grand cœur ; j’espère que vous approuverez ma détermination. Nous sommes des lions, nous autres, et non des tigres ; et si nous nous plaisons à jeter notre or sans compter dans de folles et joyeuses orgies, c’est que cet or est le prix de notre valeur, de notre audace, et que notre sang l’a glorieusement acheté.