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— J’espère monsieur, dit la duchesse, que bien que la prudence vous l’ordonne, vous ne laisserez pas cependant de revenir quelquefois nous faire visite ; nous sommes femmes, ajouta-t-elle avec un charmant sourire, c’est-à-dire curieuses et surtout coquettes, deux défauts presque suffisants pour justifier la visite de deux colporteurs.

La jeune fille ne dit rien : mais le regard qu’elle fixa sur l’Olonnais, parut à celui-ci confirmer de tous points les paroles de sa mère.

L’Olonnais et Pitrians replièrent leurs marchandises ; ils achevaient de boucler leurs balles, quand les caméristes rentrèrent.

— Surtout, messieurs, dit la duchesse avec intention, n’oubliez pas les crêpes et les lisières que je vous ai recommandés. Je tiens beaucoup à ces linons, dont on m’a fort vanté l’excellence.

— Madame la duchesse peut-être convaincue que nous ferons l’impossible pour la satisfaire, répondit respectueusement l’Olonnais ; nous attendons encore quelques marchandises de Mexico ; nous espérons que lorsqu’elles seront arrivées, ces dames pourront faire un choix satisfaisant.

Les deux hommes saluèrent, alors, chargèrent leurs ballots et se retirèrent.

Ils retournèrent tout droit à leur hôtellerie ; l’hôte leur annonça à leur arrivée que quelqu’un les attendait dans leur chambre.

Malgré eux cette annonce les fit tressaillir ; dans la position singulière où ils se trouvaient, ils redoutaient en effet tout, et bien d’autres choses encore ; mais grâce à Dieu ils furent fort agréablement surpris, en reconnaissant, dans ce visiteur leur ancien ami de Medellin, don Pedro Garcias.

Le digne haciendero les aborda, selon sa coutume, de la façon la plus cordiale ; cependant l’Olonnais remarqua, non sans inquiétude, que le visage si gai et si placide d’ordinaire, de leur ami, n’avait pas son expression