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— Tout cela est vrai, ma fille ; vous avez bien jugé le cœur de notre ami, s’il a fait tout cela, s’il s’est exposé à tous ces périls, c’est qu’en effet, cette fois encore, il tente de nous préserver d’un grand malheur.

Et saisissant la main de l’Olonnais, il s’approcha des deux dames toujours assises, et d’une voix pénétrante, dont l’accent était à la fois triste et douloureux :

— Sancia, dit-il à la duchesse, ce jeune homme est une grande et belle nature, aimez-le comme une mère, et vous, Violenta, ayez pour lui l’affection d’une sœur ; dès aujourd’hui, quoi qu’il arrive, je considère ce jeune homme comme un fils ; retenez bien mes paroles ; qu’elles se gravent dans votre cœur ; surtout, ajouta-t-il avec une intention mystérieuse, dont l’intonation porta, comme un pressentiment, le trouble dans l’âme des deux dames, comprenez ces paroles comme elles doivent l’être ; mon cher l’Olonnais, continua le duc après un silence, je n’ai pas besoin de vous dire, n’est-ce pas, que vos grandes et vos petites entrées vous sont acquises dans cette maison ? cependant pour notre intérêt commun, il est je crois important, sinon que vos visites soient rares, du moins qu’elles ne soient pas remarquées ; prenez cette clé ; elle ouvre une porte percée dans le mur du jardin de l’hôtel ; non loin de cette porte à demi enfouie sous un massif de plantes grimpantes, il y a un kiosque, dans lequel je me tiendrai toutes les nuits, de dix heures du soir à une heure du matin ; lorsque vous aurez quelque communication importante à me faire, c’est là que vous me rencontrerez ; sans courir risque d’être vu par mes gens, ou découvert par des espions, dont la ville pullule.

— Merci de cette confiance, M. le duc, je n’userai de votre autorisation que dans une circonstance grave ; répondit l’Olonnais ; permettez-moi de vous faire observer, monseigneur, que voici longtemps déjà, que mon ami et moi, nous sommes ici ; notre visite en se prolongeant davantage, éveillerait des soupçons ; permettez-moi d’avoir l’honneur de prendre congé de vous.