Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de si loin tout ce que j’aurais osé espérer, que je ne trouve pas dans mon cœur, de paroles pour exprimer les sentiments que me fait éprouver cette adorable bonté.

— Laissons cela ; dit gaiement la jeune fille en se levant, et rétablissant par un geste gracieux de désordre de sa toilette ; je suis une princesse malheureuse et persécutée ; enlevée par de méchants enchanteurs et délivrée par un preux chevalier ; cela n’est-il pas bien ainsi ?

— Oui, vous avez raison mademoiselle ; seulement le preux chevalier n’est qu’un pauvre frère de la Côte, un homme presque mis hors la loi commune.

— Ne dites pas cela, en quelques jours à peine ; vous avez su conquérir une place très-honorable parmi vos compagnons ; souvenez-vous de ceci, monsieur : qui possède courage, persévérance et loyauté, doit acquérir lois, richesses et bonheur.

— Est-ce une prophétie que vous me faites ? répondit l’Olonnais avec un sourire amer.

— Non, dit-elle, en détournant la tête pour cacher sa rougeur, mais c’est peut-être un espoir que j’exprime.

Il y eut un court silence.

Les deux jeunes gens étaient en proie à une émotion d’autant plus vive, qu’ils essayaient davantage de la cacher.

— Vous sentez-vous assez forte, mademoiselle, reprit l’Olonnais après un instant, pour essayer avec moi de retrouver notre route ? ou préférez-vous attendre mon retour auprès de cette source ?

— Non pas ! s’écria-t-elle vivement ; je ne veux sous aucun prétexte me séparer de vous ; donnez-moi votre bras, monsieur, je suis prête à vous suivre.

Ils se remirent en marche, après que l’Olonnais se fut orienté de son mieux.

De temps en temps, c’est-à-dire de six minutes en six minutes, le flibustier déchargeait son fusil, mais vaine-