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Le duc avait reçu, les unes après les autres, les visites cérémonieuses des autorités de la ville ; ces visites, il les avait ponctuellement rendues ; puis il s’était renfermé dans son palais et avait vécu fort retiré ; non pas que le duc soupçonnât les mauvaises intentions que certaines gens nourrissaient contre lui, ni le complot que ses ennemis ourdissaient en silence ; il était à cent lieues de soupçonner une aussi odieuse machination.

Il venait pour la première fois en Amérique ; jusques-là sa vie presque tout entière s’était écoulée à la cour de France ; il avait conscience de n’avoir fait de mal à personne, tandis qu’au contraire il conservait le souvenir des bienfaits qu’il avait semés autour de lui ; chaque fois que l’occasion s’en était présentée.

La réclusion volontaire, à laquelle le duc s’était condamné, n’avait donc aucune des raisons que nous avons données ; elle provenait seulement du caractère un peu sauvage du duc, de la nécessité d’étudier sérieusement les hautes questions politiques ; que peut-être il serait appelé à traiter plus tard, et surtout de son désir de ne pas être au-dessous de sa position, en justifiant la confiance de son souverain.

Un matin, le duc retiré dans son cabinet, se livrait avec ardeur à son travail de chaque jour ; travail aride, épineux, surtout pour un homme dont la vie jusque-là s’était écoulée en dehors de toutes les questions abstraites de la haute politique ; un serviteur entra et lui annonça que deux arrieros désiraient être autorisés à déployer devant les dames leurs riches marchandises ; le serviteur ajouta que l’un de ces arrieros insistait, pour avoir l’honneur d’être reçu par M. le duc de la Torre, auquel disait-il, il avait à faire des communications urgentes et de la plus haute importance.

Le duc ordonna que cet homme fût amené en sa présence ; tandis que son compagnon montrerait ses fines étoffes et ses bijoux aux dames.

L’arriero entra ; aussitôt que la porte se fut refermée derrière lui ; celui-ci fit quelques pas en avant, et salua silencieusement le duc.