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Une heure et demie avant de prendre son ancrage, le vaisseau le Robuste, avait été accosté en pleine mer, par une gοëlette espagnole portant pavillon parlementaire. Cette gοëlette avait à son bord le señor conde don Antonio de la Sorga-Caballos, gouverneur général de la province de Vera-Cruz, et quatre ou cinq officiers de son état-major ; il s’y trouvait en sus un pilote lamaneur chargé de conduire le vaisseau à son mouillage.

Don Antonio, ses officiers et le pilote, montèrent à bord du Robuste.

Le gouverneur général était un gentilhomme de vieille souche espagnole, très-instruit ; bien que fort jeune encore, il s’était acquis une certaine réputation militaire dans les guerres de Flandres. Son entrevue avec M. de Lartigues et le duc de la Torre, fut ce qu’elle devait être, c’est-à-dire cordiale, sans familiarité, et bienveillante, sans faiblesse. Don Antonio avait été averti par le capitaine-général de Cuba, de l’arrivée prochaine à la Vera-Cruz, du vaisseau le Robuste, mis gracieusement à la disposition du nouveau vice-roi du Pérou, par S. M. le roi Louis XIV et de l’autorisation donnée au baron de Lartigues, d’accomplir sa mission.

Cependant malgré toute l’aménité affectée dans leurs relations, par le gouverneur et M. de Lartigues, un débat sérieux ne tarda pas à s’élever entre eux ; débat dont les suites faillirent devenir fort graves.

Don Antonio soutenait que les lois établies par le gouvernement espagnol étaient positives ; n’admettaient ni exception, ni interprétation ; que dans ces conditions la seule chose à laquelle il se crût autorisé, et cela bien entendu sous sa propre responsabilité vis-à-vis de ses supérieurs, — responsabilité que cependant par considération pour le duc de la Torre et le baron de Lartigues, il n’hésitait pas à assumer sur lui, au risque de ce qui pourrait survenir, — était de prendre à bord de la gοëlette le duc, sa famille et ses bagages ; se chargeant de le conduire ainsi, sous pavillon espagnol, à la