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perdu, habité seulement par quelques pêcheurs ; le jour du départ venu, nous quittons le Port-Margot sans tambours ni trompettes, nous nous rendons à bord de mon bâtiment et nous mettons sous voile, entre chien et loup.

— C’est cela même, mais où allons-nous ?

— À la Vera-Cruz, pardieu !

— Oui, mais pas directement.

— Pas si sots ! s’écria Vent-en-Panne en riant. Je connais à dix lieues en amont de la Vera-Cruz une charmante plage déserte, où je réponds de vous débarquer sans être aperçu. Une fois à terre, vous vous arrangerez comme vous voudrez ; quant à moi ma tâche sera remplie ; que penses-tu de ce plan, matelot ?

— Je le trouve excellent ; seulement je crois que tu oublies quelque chose d’important.

— Quoi donc ? fit Vent-en-Panne d’un air goguenard.

— Dame, il ne s’agit pas seulement d’aller, il faut revenir, tu me sembles avoir complétement oublié le retour.

— Tu te trompes, matelot, j’ai laissé pour la fin la partie la plus sérieuse de mes instructions ; ainsi fais-moi le plaisir de m’écouter avec l’attention la plus scrupuleuse.

— Sois sans crainte.

— Nous disons donc que je vous ai mis à terre ; vous voilà, toi et Pitrians, métamorphosés en Espagnols de la plus belle venue, et naturellement il va sans dire que vous agissez en conséquence. Seulement tu sais, ou tu ne sais pas, que les Espagnols sont les gens les plus curieux qui existent ?

— Je l’ignorais en effet.

— Eh bien, je te l’apprends, matelot.

— Merci.

— Or, puisque tu es Espagnol, tu es curieux.

— Oui, fit en riant l’Olonnais et tellement curieux, que j’interroge continuellement, que je regarde partout, que je m’introduis dans les forts, j’étudie les murailles,