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— L’ignorais-tu donc ? te serais-tu enfermé sans le savoir ?

— Sans doute ! je n’ai pas le plus léger souvenir de l’avoir fait ; hier, je me sentais un très-grand mal de tête ; je suis rentré chez moi ; à peine m’étais-je assis sur mon fauteuil et avais-je allumé ma pipe, que sans m’en douter, j’ai été à l’improviste surpris par une envie de dormir si irrésistible, que à peine, ai-je eu la force de me traîner jusqu’à mon lit, où je me suis aussitôt endormi, d’un sommeil profond, ressemblant presque à la mort.

— Et ce sommeil a duré ? demanda l’Olonnais, en fixant sur son matelot un regard incrédule.

— Jusqu’à ce moment ; il y a à peine une demi-heure que je suis éveillé ; sur mon âme jamais je n’ai si bien dormi de ma vie ; tiens, ajouta-t-il en baillant à se démettre la mâchoire, tu le vois, le sommeil ne m’a pas encore quitté.

— C’est bien ! dit l’Olonnais en hochant la tête, tes secrets t’appartiennent ; Dieu me garde d’essayer de les pénétrer malgré toi.

— Tu es fou, matelot ! ou diable prends-tu que j’aie des secrets, et qu’en ayant je veuille te les cacher ? tout n’est-il pas commun entre nous ? Voyons, ce que je t’ai dit est vrai ; il ne s’est passé rien de plus, rien de moins ; maintenant laissons cela, si tu le veux, et allons déjeuner, je me sens une faim de loup.

— Soit, je n’insisterai pas, dit le jeune homme, un moment viendra sans doute où tu seras plus confiant. J’attendrai.

Ils passèrent dans la salle à manger, et se mirent à table.

Quatre ou cinq jours s’écoulèrent, pendant lesquels, bien que vivant sous le même toit, les deux matelots ne se virent que très-rarement.

Tous les matins au lever du soleil, Vent-en-Panne quittait sa cabine, ainsi qu’il nommait sa maison, sortait de Port-Margot, et ne rentrait qu’à la tombée de la nuit.