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— Je l’accepte, oui, madame ; j’espère que cette nouvelle concession vous fera comprendre que je ne suis animé que de sentiments de conciliation.

— Dieu veuille que vous disiez vrai ! reprit la duchesse avec un soupir.

Elle s’approcha de sa fille, et après lui avoir mis un baiser au front :

— Va, mignonne, lui dit-elle, et ne crains rien pour moi.

— Oh ! ma mère ! murmura doña Violenta en se jetant dans ses bras et lui parlant à l’oreille, la vue de cet homme fait courir un frisson de terreur dans tout mon corps ; je prierai donc pendant tout le temps que tu seras obligée de l’écouter.

— C’est cela, ma fille ; reprit-elle en l’embrassant encore, et la poussant doucement du côté de Fleur-de-Mai.

Les deux jeunes filles s’éloignèrent à pas lents, elles allèrent s’asseoir dans un salon voisin, de manière à demeurer bien en vue de la duchesse et de son redoutable interlocuteur.

La duchesse se laissa tomber dans un fauteuil, puis elle se tourna à demi vers le Chat-Tigre, lui fit une légère inclination de tête et d’une voix douce et triste :

— Je vous écoute, monsieur ; dit-elle.

Il y eut un instant de silence profond ; le Chat-Tigre semblait ne pas avoir entendu les paroles de la duchesse ; il demeurait devant elle, la tête basse, les sourcils froncés, absorbé en apparence par de sombres et sérieuses réflexions ; ce silence se prolongea pendant assez longtemps. La duchesse, la main crispée sur les bras du fauteuil, le regard fixe, attendait froide et calme qu’il plût au Chat-Tigre de s’expliquer. Enfin celui-ci releva brusquement la tête, et couvrant la duchesse d’un regard plein d’éclairs magnétiques, il lui dit d’une voix douce et tremblante, tandis que son beau visage semblait se transfigurer en prenant une expression de mansuétude infinie :