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derrière ces épaisses murailles qui laissent à peine pénétrer un pâle rayon de soleil, et sous ces immenses voûtes. J’ai assez attendu, j’ai trop attendu même ; le Chat-Tigre dût-il me plonger son poignard dans la poitrine, j’aurai avec lui cette explication, et cela à l’instant même.

— Puisque rien ne peut vous retenir, mon enfant, allez donc ; murmura la duchesse, et que Dieu vous protège ! mais je crains que non-seulement votre généreuse tentative soit inutile, mais encore, je vous le répète, qu’elle tourne contre vous.

— Elle sera ce qu’il plaira à Dieu, madame ; quant à moi, ma résolution est prise, je n’en changerai pas. Allons, prenez courage ! Je ne sais pourquoi, mais j’ai le pressentiment que cette odieuse affaire se terminera mieux que nous ne l’espérons tous.

Un pâle sourire glissa sur les lèvres blêmes des deux dames, qui courbèrent la tête sans répondre.

Fleur-de-Mai leur jeta un regard de tendre compassion, puis elle quitta le salon et se dirigea vers l’antichambre ; pour se mettre à l’abri de toute surprise, nous avons dit que les dames avaient laissé ouvertes toutes les portes de communication de leur appartement et s’étaient installées dans la pièce du milieu ; la duchesse et sa fille, des places qu’elles occupaient, pouvaient donc suivre de l’œil Fleur-de-Mai jusqu’à la porte de l’antichambre ; lorsque la jeune fille arriva à cette porte, elle posa la main sur le loqueteau et fit un mouvement assez brusque pour ouvrir ; mais la porte résista, bien que le loqueteau fût levé ; elle était fermée en dehors.

— C’est vrai ; j’oubliais que nous sommes prisonnières ; fit la jeune fille en souriant.

Elle appliqua alors sur le bas de la porte un vigoureux coup de crosse, qui en fit trembler tous les ais et produisit un bruit formidable.

— Il viendra peut-être, en l’appelant de cette façon ! reprit-elle.