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— Qu’y a-t-il donc ? s’écrièrent les deux dames.

— Silence ! s’écria-t-elle vivement, nous disons dans nos bois, nous autres flibustiers, que les feuilles des arbres ont des yeux, prenez garde que les murailles n’aient des oreilles.

— Parlez, chère petite, parlez au nom du ciel ! dit la duchesse, en lui prenant une main, tandis que doña Violenta s’emparait de l’autre.

— Eh bien ! sachez donc que lorsque nous nous sommes arrêtées devant cette vilaine maison, parmi les gens qui nous regardaient, en ayant l’air de se moquer de nous, il y en a un que j’ai reconnu.

— Ah ! fit doña Violenta.

— Oui ; c’est l’homme qui cette nuit m’a fait entrer dans la Vera-Cruz, et grâce auquel j’ai pénétré dans la prison de l’Olonnais ; c’est un très-honnête homme ; il se nomme Pedro Garcias.

— Et vous a-t-il reconnue, lui, chère petite ?

— Oui ; nous avons échangé un regard.

— Oh ! alors nous sommes sauvées ! s’écrièrent les deux dames avec joie.

— Je l’espère ; reprit la jeune fille ; mais cependant croyez-moi, redoublons de prudence ; surtout ne laissons rien paraître. Cette nuit nous ne nous coucherons pas, afin d’être prêtes à tout événement ; nous nous tiendrons toutes trois dans la même pièce ; là nous nous barricaderons du mieux qu’il nous sera possible.

— Oui, oui ; fit doña Violenta ; oui, chère petite sœur, nous vous obéirons ; nous ferons tout ce que vous voudrez ; nous vous nommons notre général en chef.

— Rapportez-vous-en à moi ; le Chat-Tigre se croit en ce moment bien en sûreté, avant une heure, il aura à sa poursuite des hommes qui lui feront payer cher ce qu’il a osé faire aujourd’hui.

— Prions Dieu, dit la duchesse, prions-le ardemment de ne pas nous retirer la protection dont il a daigné nous couvrir jusqu’à présent ! Lui seul a le pouvoir de nous sauver !