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— Si, mon enfant ; ne te souviens-tu pas de m’avoir vu à Saint-Domingue ?

— Oui, je t’y ai vu ; mais j’ai entendu dire que tu en avais été chassé.

— C’est une erreur ; j’ai été envoyé à la Vera-Cruz par Vent-en-Panne afin de préparer la prise de la ville ; et cela est si vrai, que c’est Vent-en-Panne qui m’envoie ici en ce moment, avec l’ordre de lui amener ces deux dames qui pour leur sûreté même, doivent passer pour prisonnières.

Ces explications embrouillées étaient presque inintelligibles pour l’esprit droit mais un peu faible de la jeune fille ; elle fut trompée par l’air de bonhomie et la feinte tranquillité du rusé bandit ; du reste il y avait dans ses explications si diffuses quelles fussent, une certaine apparence de vérité qui devait servir à complétement dérouter la jeune fille ; le Chat-Tigre le savait bien.

— Peut-être dis-tu vrai ? répondit-elle ; fais-y bien attention, si tu mens, Dieu qui lit dans les cœurs, te punira !

— Ce n’est pas avec toi que j’essaierais de mentir, Fleur-de-Mai.

— Eh bien, donne-moi ta parole que tu ne mens pas ?

— Je te la donne ! répondit-il sans hésiter.

— Puisqu’il en est ainsi, je ne m’oppose plus à ce que tu conduises ces dames à Vent-en-Panne, seulement j’y mets une condition.

— Laquelle ? parle ?

— C’est que je ne les quitterai pas.

— J’allais t’en prier, Fleur-de-Mai ; répondit-il avec un pâle sourire.

Les deux dames étaient toujours évanouies ; Fleur-de-Mai défit elle-même la barricade. La duchesse et sa fille furent transportées dans une litière ; Fleur-de-Mai y prit place auprès des deux dames. Sur l’ordre du Chat-Tigre la petite troupe sortit du palais et s’éloigna par des rues détournées.

Le Chat-Tigre ressemblait en ceci à don Pedro Gar-