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enfoncé sa porte à coups de crosse de fusil et en même temps que ses compagnons criaient au dehors : Flibuste ! Flibuste ! forçaient les portes et s’introduisaient dans la forteresse ; il prenait lui la garnison à revers, si bien que le commandant, en homme prudent, a jugé toute résistance inutile, et s’est rendu sans même faire tirer un coup de fusil.

— Bon ! mais toi ? par quel hasard te trouves-tu ici ? te serais-tu sauvé ?

— Moi ? me sauver ? Ah ! que vous me connaissez mal, seigneurie.

— C’est vrai, excuse-moi ; tu es un de ces gaillards qui ont un talent particulier pour pêcher en eau trouble ; tu auras trouvé quelque moyen pour te tirer d’affaire ?

— Vous n’y êtes pas, seigneurie, je suis connu pour un homme doux et humain n’aimant pas à tourmenter les gens. Votre prisonnier, que tous ses amis nommaient l’Olonnais, aussitôt qu’il a eu pris le fort, m’a fait appeler et me confiant une jeune fille qui se trouvait là, je ne sais comment : Voici deux onces, me dit-il, conduis cette señorita au palais de M. le duc de la Torre ; lorsque tu auras accompli cette mission, reviens me joindre, et non-seulement, il ne te sera fait aucun mal, mais encore, tu auras droit à toute ma protection.

— Eh bien ? demanda le Chat-Tigre devenant pensif, car une pensée singulière avait traversé son cerveau.

— Eh bien, seigneurie, j’ai conduit la jeune femme chez le duc de la Torre ; à présent ainsi que l’Olonnais me l’a ordonné je retourne à la forteresse ; du reste je crois que c’est ce que j’ai de mieux à faire.

— En effet ; seulement retiens bien ceci, mon garçon ; ne souffle mot de notre rencontre à âme qui vive ! à l’Olonnais moins qu’à personne ; afin que tu n’oublies pas ma recommandation, voici deux onces que tu joindras à celles que déjà tu as reçues.

— Allons, dit gaiement le geôlier, je vois que ce qui